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26 février 2011 6 26 /02 /février /2011 23:00

Crise ivoirienne: le Mouvement des Avocats Panafricains répond à Me Wang-You SANDO



POLEMIQUE AUTOUR DES RESULTATS DU SCRUTIN DU 28 NOVEMBRE 2010 :

LE MOUVEMENT DES AVOCATS PANAFRICAINS REPOND A MAITRE SANDO

Au lendemain du second Tour de l’élection présidentielle ivoirienne du 28 novembre 2010, la République de Côte d’Ivoire est confrontée à une profonde crise postélectorale qui met à mal ses Institutions.

En effet, le vote du second Tour a été l’objet de profondes tensions allant jusqu’à remettre en question, voire nier, la décision du Conseil Constitutionnel, Juridiction Suprême de l’Etat ivoirien.

C’est dans ces conditions que Nous, Mouvement des Avocats Panafricains (M.A.P), souhaitons répondre à notre excellent confrère, Maître SANDO, en vous livrant une analyse de cette crise qui dépasse, dans ses enjeux, les frontières ivoiriennes pour se cristalliser sur la question du respect des institutions africaines.

Au travers d’une analyse pertinente, notre confrère, Maître SANDO, tend à vouloir démontrer la validité de la proclamation des résultats provisoires, ainsi que l’illégitimité de la décision du Conseil Constitutionnel en date du 3 décembre 2010.

Pour ce faire, Maître SANDO se fonde, en partie, sur un certain nombre de dispositions législatives pour nourrir son argumentaire.

Nous avons donc lu, avec beaucoup d’intérêt, l’article de notre cher Confrère qui est paru le 10 décembre 2010 et le 5 janvier 2011 dans les journaux « Le Patriote » et « L’Indépendant ».

Nous espérons que ces médias qui se font fort de dénoncer des actes qu’ils jugent inacceptables, sauront faire preuve de la démocratie la plus élémentaire, en publiant cet article qui se veut répondre à l’analyse de Maître SANDO, et ceci dans un esprit confraternel.

Parce que nous sommes tous, les enfants de l’Afrique, nous nous devons de nous écouter, et de permettre un débat d’idées enrichissant qui éclaire, par la même occasion, tous nos frères.

Parce qu’il ne sert à rien de prêcher un converti, parce que bien des choses ont été dites sur cette crise, tout en opérant souvent des confusions, le M.A.P souhaite ainsi s’adresser à chaque ivoirien, à chaque africain, et ceci quel que soit son bord politique.

C’est dans ces conditions que nous nous efforcerons de vous démontrez que si les évènements du second Tour « ne sauraient laisser indifférent tout juriste de haut niveau digne de ce titre », ils ne sauraient non plus leur permettre de remettre en question la décision du Conseil Constitutionnel sans bafouer la souveraineté de la Côte d’Ivoire.

Il s’agira donc, pour nous, d’analyser d’une part la validité supposée des résultats provisoires proclamés par le Président de la Commission Electorale Indépendante (CEI), et d’autre part, la légitimité de la décision du Conseil Constitutionnel.

I. Sur la supposée validité des résultats provisoires proclamés par le Président de la CEI
Selon notre confrère, Maître SANDO, « le pouvoir de proclamation provisoire de l’élection présidentielle appartient exclusivement au Président de la Commission Electorale indépendante, et l’exercice de ce pouvoir n’est pas limité dans un délai fixe ».

Il rajoute que « aucun texte n’exige la proclamation des résultats au siège de la Commission et que la présence des représentants des candidats au moment de la proclamation provisoire des résultats n’est pas une condition de validité des résultats ».

Enfin, en se fondant sur une définition donnée par le Vocabulaire Juridique, il définit le scrutin comme étant « l’ensemble des actes constituant l’opération électorale proprement dite : il comprend le dépôt par les électeurs de leur vote, le dépouillement, la proclamation des élus ».

De cela, il déduit que :

• « Le délai de 3 jours [pour formuler les éventuelles requêtes] ne court qu’à compter de la proclamation provisoire des résultats de l’élection du 28 novembre 2010 (…)

• La proclamation provisoire du second tour de l’élection présidentielle par le Président de la Commission Electorale, le 2 décembre 2010, est donc parfaitement conforme à la législation en vigueur ».

A cet égard, il est bon de rappeler que le droit commun a vocation à s’appliquer dès lors qu’une disposition particulière ne l’évince pas spécialement.

Or, en droit ivoirien, et particulièrement en matière d’élection du Président de la République, il existe des textes clairs et précis qui, seuls doivent s’appliquer.

A cet égard, l’analyse de notre confrère ne résiste pas à l’examen des dispositions ivoiriennes applicables en matière d’élection présidentielle.

Selon l’article 59 du Code électoral :

« La Commission chargée des élections procède au recensement général des votes et à la proclamation provisoire des résultats en présence des représentants des candidats ».

L’article 33 de la Loi n°2004-642 du 14 décembre 2004 relative à la composition, organisation, attributions, et fonctionnement de la CEI dispose que :

« Les organes de la CEI ne peuvent valablement siéger que si 2/3 au moins de leurs membres sont présents ».

La Circulaire du 13 novembre 2010 adoptée par la Commission Centrale de la CEI, et signée par le Secrétaire Permanent, Monsieur Auguste MIREMONT (RHDP) précise, en son Point 29, que :

« La proclamation des résultats provisoires globaux par le Président de la CEI [se fait] en séance publique en présence des Commissaires Centraux ».

Ainsi, il ressort des dispositions susvisées, et ceci de manière claire, précise et incontestable que la Commission Centrale, organe exécutif de la CEI, doit impérativement se réunir en séance publique, et en remplissant des conditions de quorum, pour procéder valablement à la proclamation des résultats provisoires.

Ainsi, en proclamant des résultats provisoires, seul, à l’hôtel du golf, Monsieur Youssouf BAKAYOKO a non seulement violé le texte susvisé, mais en plus sa déclaration unilatérale ne saurait s’analyser en une proclamation de résultats provisoires par la CEI dont les commissaires centraux étaient totalement absents.

En d’autres termes, la CEI dans sa composition légale n’a jusqu’à ce jour, jamais procédé à la proclamation des résultats provisoires !

C’est dire, en tout état de cause, que le « délai raisonnable » de proclamation des résultats n’a jamais été respecté par la CEI.

Enfin, en ce qui concerne la définition du scrutin, le lexique des termes juridique des éditions Dalloz définit le scrutin comme étant « l’ensemble des opération de vote ».

L’article 20 du Code Electoral dispose que :

« Le collège électoral est convoqué par décret en Conseil des ministres sur proposition de la Commission chargée des élections.

La date de l'élection et les heures d'ouverture et de clôture du scrutin sont fixés par le décret portant convocation du collège électoral ».

L’article 1 du Décret du 9 novembre 2010 portant convocation du Collège électoral du second Tour des élections présidentielles, dispose que :

« Le collège électoral de la République de Côte d’Ivoire est convoqué le dimanche 28 novembre 2010, en vu de procéder à l’élection du Président de la République. Le scrutin sera ouvert à sept (7) heures et clos à dix sept (17) heures ».

Ainsi, le scrutin doit s’entendre comme étant l’ensemble des opérations de vote, sauf à considérer que le vote se poursuit jusqu’à la proclamation des élus, ce qui apparaît totalement absurde.

Ce point a non seulement été entendu ainsi par les différents organes à cette élection, mais même par les candidats eux même, puis que Monsieur Alassane OUATTARA lui-même qui dans un courrier du 1er décembre 2010 rappelait et précisait au Président de la CEI, que :

« La Commission Electorale Indépendante doit s’atteler aux seules tâches qui sont les siennes, à savoir proclamer, sans délai, les résultats provisoires de l’élection présidentielles du 28 novembre 2010 (…) Le délai de trois jours impartis à la Commission Electorale Indépendante expire ce jour, avec comme conséquence le risque de voir la CEI dessaisie, ce qui serait un échec dans la conduite de votre mission ».

Donc, si d’après Monsieur OUATTARA, lui-même, le délai de trois jours imparti à la CEI à compter de la clôture du scrutin du 28 novembre 2010, expire le jour même de son courrier du 1er décembre 2010, donc ce point était bien claire dans l’esprit de tous, et ne saurait faire l’objet de contestation aujourd’hui.
Il est d’ailleurs étrange que Monsieur OUATTARA considère aujourd’hui comme valable, ce qu’il déclarait lui-même comme impossible le jour de son courrier du 1er décembre 2010.

En tout état de cause, il est tout aussi surprenant que Monsieur Youssouf BAKAYOKO, aujourd’hui en France, n’ait jamais présenté lors des différentes interviews, une copie du Procès-verbal, comportant la feuille d’émargement signée par les Commissaire centraux, pour justifier de la prétendue régularité de sa déclaration pouvant justifier la victoire de Monsieur Alassane OUATTARA.

Par conséquent, il découle de l’ensemble de ses dispositions que :

• La clôture du scrutin est intervenue le 28 novembre 2010 à 17 heures ;
• La CEI n’a jamais procédé à la proclamation de résultats provisoires, celle faite par le président de la CEI, seul, en dehors du délai de trois jours, ne pouvant en aucun cas être considérée comme des résultats provisoires au sens des textes ivoiriens ;

Ainsi la déclaration des résultats provisoires par le Président de la CEI, seul, et en l’absence des Commissaires Centraux, et au-delà du délai de trois jours est tout à fait illégale.

Enfin, le candidat Laurent GBAGBO était parfaitement recevable à saisir le Conseil Constitutionnel, le 1er décembre 2010, soit dans les 3 jours suivant la clôture du scrutin, de requêtes aux fins de réclamation sur des irrégularités constatées dans des bureaux de vote.

II. SUR LA LEGITIMITE DE LA DECISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

A. Sur la Déclaration du Président du Conseil Constitutionnel

Notre confrère, Maître SANDO, tente, dans un deuxième temps, de démontrer que la décision du Conseil Constitutionnel est illégitime.
Pour ce faire, il énonce, tout d’abord, que :

« Le Président du Conseil Constitutionnel s’était présenté, dès la proclamation des résultats provisoires du second tour de cette élection, à la Radio Télévision Ivoirienne « RTI » pour déclarer que ces résultats n’étaient pas valables (…)

En se présentant seul à la RTI pour déclarer publiquement que les résultats provisoires du second tour de l’élection présidentielle proclamés par le Président de la CEI n’étaient pas valables alors que cette dernière n’avait pas encore communiqué au Conseil constitutionnel l’exemplaire des procès-verbaux à lui destiné, le Président du Conseil constitutionnel a non seulement violé la constitution mais également son serment, se mettant ainsi en marge du cadre constitutionnel ».

Sur ce point, il convient de mettre fin à une confusion.

Contrairement à ce qui est affirmé, la déclaration du Président du Conseil Constitutionnel, Monsieur Paul YAO NDRE, en date du 2 décembre 2010, est comme son nom l’indique une déclaration, et non une décision constitutionnelle, étant rappelé qu’aucun texte ne lui interdit de faire une déclaration qu’il estime opportune.

Il s’agissait probablement pour lui, sans préjuger de la décision du conseil à intervenir, d’informer les ivoiriens sur les événements survenus lors du second Tour, notamment de la déclaration de Monsieur Youssouf BAKAYOKO à l’hôtel du Golf en l’absence des commissaires centraux de la CEI et des médias ivoiriens.

Il serait paradoxal que le président de la CEI puisse faire seul, des déclarations illégales devant des media étrangers, et que le président du conseil constitutionnel ne puisse pas faire seul, une simple déclaration d’information, devant des media ivoiriens.

En revanche, c’est par une décision juridictionnelle, donc collégiale, du Conseil Constitutionnel, du 2 décembre 2010, soit postérieurement à la déclaration du Président de la CEI à l’hôtel du Golf, que cette Commission Electorale Indépendante a été dessaisie.

D’ailleurs, à la lecture de cette décision, il appert que la CEI a, conformément à l’article 59 du Code électoral, « communiqué au Conseil Constitutionnel dans les trois (3) jours qui ont suivi, notamment les 30 novembre et 1er décembre 2010, un exemplaire des procès-verbaux accompagnés des pièces justificatives ».

C’est dire si la CEI se savait forclose, et n’ignorait aucunement son impossibilité à proclamer des résultats !

Par conséquent, et eu égard à la confusion qui régnait, il ne peut être sérieusement reproché au Président du Conseil Constitutionnel d’avoir procédé à une déclaration devant les médias ivoiriens qui avaient été tenus à l’écart par le Président de la CEI.

B.Sur les prérogatives du Conseil Constitutionnel à la lumière de l’article 64 du Code électoral
Le deuxième argument développé consiste à contester la légitimité de la décision du Conseil Constitutionnel, et ceci à la lumière de l’article 64 du Code électoral.
Selon notre confrère, il résulte de cet article que :

« Dans le cas où les irrégularités constatées sont de nature à affecter la validité du scrutin et à affecter le résultat de l’élection, le Conseil constitutionnel doit prononcer l’annulation de l’élection et non annuler certains résultats afin de modifier l’issue des suffrages exprimés.

En annulant certains résultats favorables à l’un des candidats pour modifier l’issue des suffrages exprimés et déclarer l’autre candidat vainqueur, le Conseil constitutionnel a opéré un véritable coup d’état constitutionnel ».

« … Le Conseil Constitutionnel statue sur (…) les contestations relatives à l’élection du Président de la République … ».

En outre, l’article 64 du Code électoral précise que :

« Dans le cas où le Conseil constitutionnel constate des irrégularités graves de nature à entacher la sincérité du scrutin et à en affecter le résultat d’ensemble, il prononce l’annulation de l’élection ».
Ainsi, à la lumière de ces dispositions, il apparaît que seul, le Conseil Constitutionnel se prononce sur les contestations nées à l’issue de l’élection présidentielle.

Par ailleurs, si le Conseil Constitutionnel constate que ces irrégularités entache la sincérité du scrutin et en affecte le résultat d’ensemble, il doit prononcer l’annulation de l’élection.

Le Lexique des Termes Juridiques définit, quant à lui, le scrutin comme étant l’« ensemble des opérations de vote ».

La question est donc triple puisqu’il s’agit de savoir :

• Si les irrégularités constatées sont de nature à entacher la sincérité du scrutin ;
• S’il s’agit d’annuler le scrutin à l’échelle national ou local ;
• Si le Conseil Constitutionnel dispose du pouvoir d’annulation partielle.
1) La nature des irrégularités dénoncées

A la lecture de la Décision du Conseil Constitutionnel du 3 décembre 2010, il apparaît que les irrégularités dénoncées par le candidat Laurent GBAGBO, dans les départements de BOUAKE, KORHOGO, BOUNDIALI, FERKESSEGOU, KATIOLA, BEOUMI et SAKASSOU étaient notamment :

• Les empêchements de ses représentants et délégués dans des bureaux de vote ;
• Le bourrage de certaines urnes ;
• Le transport des procès-verbaux par des personnes non autorisées ;
• L’empêchement de vote d’électeurs ;
• L’absence d’isoloirs ;
• La majoration des suffrages exprimés.

Ces exactions étaient corroborées par :

• Le rapport du Chef du Centre de Commandement Intégré du 28 novembre 2010 ;
• Plus de 23 procès-verbaux d’audition des victimes ;
• Les procès-verbaux de dépouillement : 2200 procès-verbaux font état de plus de votants que d’inscrits ;

• La déclaration préliminaire de la Mission d’observation de la CEDEAO du 29 novembre 2010 ;
• La déclaration de la Mission d’observation de l’Union Africaine du 30 novembre 2010 ;
• Le Communiqué des Experts Electoraux Africains du 30 novembre 2010

En considération de tous ces éléments, il est difficile de contester la réalité des griefs du candidat Laurent GBAGBO, et de ses moyens de preuve.

Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, par notre confrère, le Conseil Constitutionnel ne s’est pas « contenté d’avaliser la simple allégation du Candidat LMP ».

A la lecture des documents fournis, notamment le rapport de la Mission de la CEDEAO, il apparaît que si effectivement il est à regretter un certain nombre d’irrégularités, « la Mission estime que sur presque toute l’étendu du territoire, le scrutin du 28 novembre 2010 s’est globalement déroulé dans des conditions de liberté et de transparence acceptables (…) [La CEDEAO] encourage les deux candidats à recourir aux voies légales pour le traitement de toute réclamation et de tout contentieux électoral ».
Cette position est d’ailleurs partagée par la plupart des observateurs internationaux qui, tout en relevant des irrégularités, estiment que globalement les élections se sont bien déroulées.

Il découle de cela que les observateurs internationaux relèvent que s’il y a bien eu des irrégularités de nature à entacher la sincérité des scrutins locaux, dans certains bureaux de vote, le scrutin national s’est, quant à lui, bien déroulé dans l’ensemble.

C’est à l’examen de tous ces éléments que le Conseil Constitutionnel a considéré que les irrégularités constatées sont de nature à entacher la sincérité du scrutin des bureaux de vote des départements susmentionnés, mais qu’elles n’étaient pas de nature à entacher la sincérité de l’ensemble des opérations de votes sur le territoire national.

D’ailleurs, ces irrégularités se chiffreraient à 12%, d’après l’estimation manuelle et électronique, ce qui ne saurait être considéré comme ayant affecté le résultat d’ensemble.

Donc c’est tout à fait à bon droit, que le Conseil Constitutionnel a, dans ces conditions, procédé à l’annulation du scrutin litigieux dans les départements concernés.

2) Le pouvoir d’annulation partielle du Conseil Constitutionnel

La question est donc de savoir si au vu des irrégularités relevées dans des zones précises, et ne couvrant pas tout le territoire, le Conseil Constitutionnel pouvait procéder à une annulation partielle.
L’article 94 de la Constitution dispose que :

« … Le Conseil Constitutionnel statue sur (…) les contestations relatives à l’élection du Président de la République … ».

L’article 63 du Code électoral dispose que :

« Le résultat définitif de l’élection du président de la République est proclamé, après examen des réclamations éventuelles, par le Conseil Constitutionnel et publié selon la procédure d’urgence ».
De ces deux textes, il apparaît que le Conseil Constitutionnel ivoirien n’est pas un bureau d’enregistrement qui se limiterait à répéter les résultats provisoires de la CEI.

Etant observé qu’en l’espèce, le Conseil Constitutionnel a dû se prononcer en l’absence même de résultats provisoires comme on l’a vu précédemment.

Le conseil Constitutionnel doit donc se prononcer sur les recours qui lui sont présentés, et à la suite desquelles il proclame les résultats définitifs.

Alors que fait-il lorsqu’il relève des irrégularités dans des bureaux de vote de nature à entacher la sincérité dans ces mêmes départements ?

Certains diront qu’en l’espèce, il aurait dû prononcer l’annulation de l’élection afin que soient organisée de nouvelles élections.

L’article 64 du Code électoral est pourtant clair, dans la mesure où il énonce que l’annulation de l’élection nécessite que soient réunies deux conditions :

• D’une part, les irrégularités doivent être de nature suffisamment grave pour entacher la sincérité du scrutin ;

• D’autre part, ces irrégularités doivent affecter le résultat d’ensemble.
Comme on l’a vu précédemment, le scrutin correspond à l’ensemble des opérations de votes.
En l’espèce, le scrutin national est à distinguer des scrutins locaux.

En effet, en matière d’élection présidentielle, le scrutin national est composé des scrutins locaux couvrant tout le territoire ivoirien.

Ainsi le scrutin en matière d’élection présidentielle ne saurait être confondu avec les opérations de vote locales.

La question est donc de savoir si les irrégularités constatées localement doivent nécessairement avoir pour conséquence l’annulation de l’élection présidentielle.
En fait, cela dépend.

Si les irrégularités constatées couvrent tout le territoire ivoirien, ou une grande partie du territoire ivoirien, alors il semble évident qu’on ne peut faire l’économie de l’annulation de l’élection, dès lors qu’elles affectent le résultat d’ensemble.

Cependant si ces irrégularités ne concernent que certains départements, l’annulation des élections ne se justifie pas.

En ce cas, le Conseil Constitutionnel est donc fondé à procéder à une annulation partielle dès lors qu’il dispose des éléments lui permettant de refaire le décompte des voix, tel qu’il aurait dû exister sans les irrégularités constatées.

Cela permet à la Haute Juridiction Constitutionnelle de maîtriser son attitude sur la question des invalidations partielles en évitant surtout de dénaturer la volonté du Législateur, qui incarne la souveraineté nationale.

En effet, l’annulation systématique de l’élection présidentielle eu égard à des irrégularités de nature à entacher la sincérité du scrutin dans des départements provoqueraient une instabilité juridique, et serait contraire à l’esprit du texte.

Cela reviendrait effectivement à dire que tous les procès-verbaux des bureaux de vote sont indivisibles, et que donc l’annulation d’un scrutin local entraine l’annulation du scrutin à l’échelle national !
En l’espèce, il convient de préciser que la Côte d’Ivoire est subdivisée en 80 départements, et que les irrégularités ne touchent que 7 départements.

Tout le reste du territoire n’a fait l’objet d’aucune contestation auprès du Conseil Constitutionnel !
Le Candidat Alassane OUATTARA n’ayant saisi le Conseil Constitutionnel d’aucune requête dénonçant des irrégularités lors de l’élection présidentielle.

Il est donc pour le moins surprenant que l’annulation partielle effectuée par le Conseil Constitutionnel soit autant décriée.

Le simple bon sens ne peut que faire dire que les irrégularités constatées dans 7 départements ne sauraient engager l’avenir de la Côte d’Ivoire.

C. Sur la motivation de la Décision du Conseil Constitutionnel
La décision du Conseil Constitutionnel fait, en outre, l’objet des critiques suivantes :

« Le Conseil Constitutionnel ne donne aucune indication chiffrée sur le nombre des inscrits, le nombre des suffrages exprimés au premier tour en faveur de chacun des candidats du 1er tour et ceux exprimés au second tour afin de relever le décalage et de s’assurer qu’il est, par sa grandeur, de nature à fausser la sincérité des votes… »

Sur ce point, il convient de rappeler que le Conseil Constitutionnel devait se prononcer sur le second Tour du scrutin, on ne comprend donc pas le grief qui lui est fait de ne faire état que des chiffres du second Tour.

Cela est d’autant plus incompréhensible qu’il suffisait d’examiner la décision du 6 novembre 2010 pour faire une comparaison.


Voici tout de même les chiffres :
Suffrages exprimés pour Monsieur Alassane OUATTARA Suffrages exprimés pour Monsieur

Laurent GBAGBO Taux de Participation

1er Tour 1.481.091
soit 32,07 % 1.756.504
soit 38,04 % 83,73 %

2nd Tour 1.938.672
soit 48,55 % 2.054.537
soit 51,45 % 71,28 %

On ne voit donc pas trop bien en quoi ces chiffres présenteraient un décalage significatif de nature à entacher la sincérité des votes.

D’autant plus que le vote est, en Cote d’Ivoire, un droit et non une obligation pour les citoyens ivoiriens.
Enfin, il est cité une jurisprudence émanant de la Chambre Constitutionnelle de Guinée qui aurait jugé dans sa décision du 3 décembre 2010 que « l’absence du représentant de l’un des candidats à l’élection présidentielle au motif que cette présence n’est pas une condition de validité du scrutin dès lors que l’intéressé a la faculté de s’absenter du bureau de vote ».

Or en l’espèce, il ne s’agissait pas pour le Conseil Constitutionnel ivoirien de sanctionner l’absence des représentants de l’un des candidats mais plutôt le fait que ces derniers aient été empêchés de participer aux opérations électorales.

En conséquence, la jurisprudence guinéenne ne saurait s’appliquer au cas d’espèce ivoirien.
Au terme de cette analyse, il apparaît que les attaques dont a été victime le Conseil Constitutionnel sont absolument infondées.

Que cette Institution a fait montre de la plus grande dignité malgré les critiques.

Au travers sa décision du 3 décembre 2010, elle a démontré avec la plus grande pertinence, et en ne se fondant que sur les dispositions ivoiriennes que les tentatives désespérées de fraude ne sauraient prospérer devant elle.

Pour preuve, aucune analyse juridique critique ne résiste réellement à la lecture de la décision du Conseil Constitutionnel.

Monsieur Alassane OUATTARA lui-même ne peut prétendre ignorer cet état de fait dans la mesure où il s’est abstenu de fournir toute argumentation fondée sur le droit ivoirien et qui mettrait à mal la décision constitutionnelle.

Est-il réellement besoin de rappeler que Monsieur Alassane OUATTARA fonde exclusivement sa légitimité, à la Magistrature Suprême, sur la seule reconnaissance faite par la « communauté internationale » laquelle se limite en fait qu’à une poignée d’Etats dont la France.

CONCLUSION

L’élection présidentielle ivoirienne du 28 novembre 2010 a clairement mis en exergue le fait que la Côte d’Ivoire est dotée d’institutions fortes et dignes.

Le Conseil Constitutionnel en a fait la parfaite démonstration en appliquant le droit et en respectant la procédure.

La solution est à notre sens non dans la création d’une Chambre Constitutionnelle de la Cour de Justice de l’Union Africaine, mais dans le respect, par les africains, de leurs règles et Institutions en se libérant de tout complexe d’infériorité vis-à-vis d’Etats qui prétendent vouloir les aider.

Tant que Nous, Africains, ne comprendrons pas que le respect s’impose, et ne se quémande pas ;
Tant que Nous agirons comme des néo-colonisés, attendant l’aval de l’Etat « bienfaiteur » ;
Tant que Nous ne comprendrons pas que les Etats n’agissent jamais par altruisme, mais en fonction de leurs intérêts ;

Tant que Nous laisserons à d’autres le soin de qualifier de « Démocrate » ou de « Dictateur », nos hommes politiques, et ceci en fonction d’intérêts qui ne sont pas les nôtres.

Nous écouterons la condescendance et le paternalisme des discours occidentaux ;
Nous avalerons les propos injurieux de ces gens venus nous cracher aux visages que nous ne sommes pas « assez [entrés] dans l’histoire » !

Nous les verrons poser des ultimatums à nos dirigeants !

Et s’il est un Africain qui ne puisse s’émouvoir de ces injures, c’est qu’il n est alors pas digne d’être un enfant de ce Continent, qui a donné naissance à l’Humanité.


Il nous revient donc, à Nous, Africains, de rappeler aux amnésiques que l’Histoire n’a pu se faire sans l’Afrique et qu’elle ne saurait se faire sans elle.

Il nous revient donc à Nous, Africains, d’exiger le respect de notre Continent en imposant le respect de nos Institutions.

Il nous revient donc à Nous, Dignes enfants de l’Afrique, de démontrer que nous sommes résolus à Nous faire respecter.

Le temps du « bon petit nègre » qui servait fidèlement l’empire néo-colonial est révolu.
Désormais, le Monde n’aura d’autres choix que de s’adapter à cette nouvelle jeunesse africaine décomplexée, et déterminée à défendre les intérêts de son Continent.

Maître Révolte ITSOUHOU MBADINGA
Maître Serge MOMMY GBE
Maître Rokhaya SARR-BARRY
Maître Habiba TOURE

Mercredi 23 Février 2011
Mouvement des Avocats Panafricains

 

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commentaires

M
<br /> <br /> Monsieur,<br /> <br /> <br /> Je viens vers vous en suite de la publication de notre article sur votre site, et ceci afins de vous apporter quelques précisions.<br /> <br /> <br /> Si nous nous sentons flattés par la reprise de notre article sur votre site, nous nous désolidarisons complètement quant au nouvel intitulé que vous lui donnez.<br /> <br /> <br /> En effet, comme nous l'indiquons clairement dans notre article, nous souhaitons enrichir le débat d'idées en donnant un autre point de vue sur des arguments trops souvent avancés dans la crise<br /> ivoirienne.<br /> <br /> <br /> Néanmoins, nous ne pouvons accepter que l'on traite l'un de nos confrères, en l'espèce, Me SANDO de "bon petit nègre ...".<br /> <br /> <br /> Rien dans notre article ne laisse ressortir des propos aussi insultants à son encontre.<br /> <br /> <br /> Ce que nous dénonçons, avant tout, c'est l'ingérence étrangère. <br /> <br /> <br /> En outre, nous appelons chacun de nos frères à un réveil panafricain auquel nous croyons profondément.<br /> <br /> <br /> En espérant avoir dissipé tout malentendu, et restant à votre disposition pour d'éventuelles observationscomplémentaires.<br /> <br /> <br /> Je vous prie de croire, Monsieur, en l'expression de mes sincères salutations.<br /> <br /> <br /> Me TOURE<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> <br /> Bonjour monsieur,<br /> <br /> <br /> Il n' y a pas de malentendu. ce titre est simplement  donné pour attirer nos lecteurs à venir lire votre article. En tout nous nous joignons à vous pour soutenir cette dénonciation.<br /> <br /> <br /> sinscères salutations<br /> <br /> <br /> <br />

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