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3 avril 2011 7 03 /04 /avril /2011 08:31

  

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 FDS-REBELLES-ABOBO-17-fevrier-2011

 

guerre-dans-Abj.jpg

 

Extrait important de l'interwiew

 

 

...[ ce sont toujours les mêmes mesures inefficaces qui sont adoptées, traduisant l’incapacité du Nord du monde à gérer et résoudre certaines crises. Ce sont des modalités hypocrites mais surtout irresponsables qui frappent surtout les civils, qui n’ont rien à voir avec les jeux politiques.  Nous savons que les paradis fiscaux se trouvent dans ces mêmes  pays qui sont les premiers à décider les sanctions; il ne faut pas regarder en direction des petites îles exotiques… De la Côte d’Ivoire à l’Egypte et la Libye c’est toujours le même refrain: tant que le dictateur ou le président au pouvoir leur convient, on encaisse son argent, on le recycle, on signe des accords avec lui, puis, quand le vent tourne, on bloque les fonds, les biens et lui fermons la porte au nez. Les vieilles puissances coloniales se rendent compte  qu’elles perdent pied en Afrique et ailleurs tandis que la Chine, l’Inde et d’autres pays émergents sont en train d’y conquérir des positions dominantes. Ils n’acceptent pas cet état de choses et alors ils essaient de récupérer la situation à leur avantage mais en ayant recours à la violence et aux chantages]..

 

NDLR: Ainsi résumé par notre rédaction  la situation en Cote d'Ivoire

 

(MISNA) 1er Avril, 2011 - 21:36 Le président sortant Laurent Gbagbo et ses Forces de défense et sécurité (Fds) tenteraient d’opposer résistance dans leurs bastions d’Abidjan, la capitale économique, à l’assaut final des Forces républicaines (Frci) du président élu Alassane Ouattara, immédiatement reconnu vainqueur légitime du ballottage des présidentielles du 28 novembre. Ce sont des heures difficiles pour la population tandis que l’économie est paralysée avec des répercussions directes dans toute la région occidentale.  

La MISNA a interrogé l’expert congolais Cyril Musila, professeur de Géopolitique des conflits à l’Université catholique de Paris et chercheur associé au programme Afrique subsaharienne de l’Institut français des relations internationales (Ifri). 

Quel est le point de départ de la ‘bataille’ en acte ces dernières heures à Abidjan et de la longue crise en cours depuis quatre mois ?

Tout a commencé avec la contestation des résultats électoraux. Chacun des deux protagonistes se considérant comme le vainqueur légitime: Alassane s’est fait fort de la légitimation de la commission électorale et de l’Onu (qui a certifié les résultats, ndlr), Gbagbo de celle du conseil constitutionnel. Par la suite chacun des deux protagonistes a pu compter sur un soutien militaire et médiatique, au-delà de l’appui de pays africains et européens qui se sont positionnés en faveur du premier ou du second.

Si nous allons un peu plus en profondeur, on peut affirmer que le problème de fond est l’héritage politique contesté du président Félix Houphouët Boigny (premier président de la Côte d’Ivoire de 1960 à 1993, ndlr), symbole de l’unité ivoirienne. Le fil conducteur de cette crise et de l’histoire récente du pays est le concept d’ivoirité, à savoir la notion politique qui définit les caractéristiques de la nation sur la base de la nationalité ivoirienne et cela s’applique au processus de démocratisation comme à la production culturelle. (Certains chercheurs résument le concept avec la formule de la préférence nationale, ndlr) 

Pouvez-vous approfondir la notion d’ivoirité, c’est-à-dire d’identité nationale et africaine?

Dans cette crise post-électorale on est passé des paroles aux armes.  A 50 ans de l’indépendance du colonisateur français la légitimité du peuple ivoirien était en jeu, alors qu’il était appelé à choisir son président de façon libre et souveraine, sans la moindre interférence étrangère. Les présidentielles de l’an dernier étaient un rendez-vous attendu depuis des années, un tournant historique tant espéré pour la Côte d’Ivoire, mise à genoux par la dernière crise (de 2002 à 2007) : nous voyons à présent comment les choses ont évolué, très mal. La ‘bataille’ d’Abidjan est malheureusement le point d’aboutissement logique de la façon irresponsable dont la crise a été gérée ces derniers mois. La loi fondamentale et la légalité des institutions ivoiriennes ont été contournées : le processus  électoral et le pays a été mis sous tutelle des Nations Unies. Ce qui se passe en Côte d’Ivoire se vérifie dans beaucoup de pays africains: l’Afrique est la grande exclue de la communauté internationale et ne parvient pas à avoir un poids déterminant face aux diplomaties occidentales et des pays émergents. 

Voulez-vous dire qu’encore une fois ce sont les puissances occidentales qui ont décidé en Afrique et pour les Africains?

Tout à fait. Les pays africains subissent des pressions politiques et économiques de la part des bailleurs de fonds qui orientent leurs choix, ils ont une marge de manoeure plutôt limitée. L’Afrique du Sud, par exemple, a adopté une certaine position à l’encontre de Gbagbo et Ouattara parce qu’elle fait partie du G20 et que les jeux sont en ouverts pour l’attribution d’un siège permanent au Conseil de sécurité. Sans parler des sanctions décidées à Bruxelles, New York et Washington par la communauté internationale: un terme vague et vraiment irresponsable qui de fait exclut l’Afrique. Embargo, gel des biens et des fonds : ce sont toujours les mêmes mesures inefficaces qui sont adoptées, traduisant l’incapacité du Nord du monde à gérer et résoudre certaines crises. Ce sont des modalités hypocrites mais surtout irresponsables qui frappent surtout les civils, qui n’ont rien à voir avec les jeux politiques.  Nous savons que les paradis fiscaux se trouvent dans ces mêmes  pays qui sont les premiers à décider les sanctions; il ne faut pas regarder en direction des petites îles exotiques… De la Côte d’Ivoire à l’Egypte et la Libye c’est toujours le même refrain: tant que le dictateur ou le président au pouvoir leur convient, on encaisse son argent, on le recycle, on signe des accords avec lui, puis, quand le vent tourne, on bloque les fonds, les biens et lui fermons la porte au nez. Les vieilles puissances coloniales se rendent compte  qu’elles perdent pied en Afrique et ailleurs tandis que la Chine, l’Inde et d’autres pays émergents sont en train d’y conquérir des positions dominantes. Ils n’acceptent pas cet état de choses et alors ils essaient de récupérer la situation à leur avantage mais en ayant recours à la violence et aux chantages. Tout a été fait pour porter de nouveau la Côte d’Ivoire sur le chemin de la partition de son territoire en deux. Les médias eux aussi ont joué un rôle de premier plan dans la dynamique de la crise. Malheureusement personne n’est parvenu à organiser un colloque direct entre les deux camps rivaux : c’est la voie dont le pays aurait eu besoin.  

Quels sont les enjeux des pays voisins d’Afrique occidentale dans le conflit ivoirien?

Burkinabé, maliens, sénégalais, nigérians, libériens: toutes ces communautés vivent sur le territoire national, surtout depuis les années où la Côte d’Ivoire était considérée la vitrine du développement économique non seulement de la région mais de tout le continent. Durant certaines périodes plus sombres ont afflué des ex-rebelles nigérians (ceux du Biafra, dans les années 50) et des miliciens libériens. Le pays est assis sur une bombe à retardement : les états membres de la Communauté économique des pays d’Afrique  occidentale (Cedeao) le savent bien. Ils ont d’abord parlé trop vite d’une intervention militaire puis ont fait marche arrière, conscients que cela aurait mis en danger leurs compatriotes établis en Côte d’Ivoire. Sur le plan économique  la crise ivoirienne, surtout l’arrêt des échanges commerciaux, se répercute sur toute la région vu que derrière le Nigeria la Côte d’Ivoire est le second poumon économique de la sous-région qui à lui seul contribue à 40% du produit intérieur brut de l’Union économique et monétaire de l’Afrique occidentale (Uemoa). 

Qu’en sera-t-il de Laurent Gbagbo? Quels défis attendent Alassane Ouattara?

L’acharnement entre les deux hommes durant ces quatre derniers mois de crise s’explique par leur haine réciproque et leur difficile passé commun: lorsque Ouattara était premier ministre sous Félix Houphouet Boigny, dans les années 1992-1993, il a fait emprisonner Gbagbo qui à l’époque était un opposant. L’histoire se répète et a de nouveau mis les deux hommes face à face, engagés dans un bras de fer pour la présidence.  Gbagbo aurait dit qu’il ne se rendrait jamais vivant à Ouattara: nous en sommes à la phase finale du règlement de compte. Pour le futur de la Côte d’Ivoire il faudrait s’interroger sur la capacité effective de Ouattara de gouverner le pays et d’amorcer une reprise. Arrivera-t-il à se faire accepter par ceux qui le considèrent comme un citoyen burkinabé et non pas ivoirien ou bien comme le président désigné par la communauté internationale? Par ailleurs il a laissé des traces de son expérience politique passée. En Côte d’Ivoire  comme dans nombre de pays africains, il serait temps de faire table rase du passé pour commencer à écrire une nouvelle page de l’histoire à l’enseigne de rapports paritaires entre Sud et Nord du monde, en confiant le pouvoir à une jeune génération de politiciens las de la corruption et des compromis défavorables. Du reste les vieux dinosaures de la politique africaine sont au pouvoir depuis les années de la décolonisation, depuis longtemps, trop longtemps.

 (Interview de Véronique Viriglio)

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